Chronique de la biodiversité ordinaire au presbytère de Chitry les mines

Publié le par Caroline Daché

Pourquoi aller chercher très loin l’inspiration artistique quand on a à portée de regard toute la beauté du monde. C’est la nature toute proche qui nous inspire, celle du quotidien tout aussi fascinante que la plus lointaine. La peinture et la sculpture sont nos deux modes d’expression figurants l’art animalier dans ce qu’il a de plus originel et de plus simple. L’envie de créer est liée à ce qui nous est connu et la création provoque le désir de mieux connaître, d’approfondir un savoir scientifique naturaliste. Sciences et sentiments se retrouvent ici et s’accordent enfin.

Notre jardin de Bourgogne nous offre un terrain d’expérimentation et d’observation intéressant sur le plan de la biodiversité. Si l’on veut faire l’inventaire de tous les animaux que l’on peut observer, le jardin du presbytère à Chitry les Mines est un bon exemple de ce que l’on peut rencontrer sur une surface somme toute restreinte. Sans prendre en compte la microfaune ou les insectes et en se cantonnant aux oiseaux, aux mammifères et aux reptiles la liste peut être longue. Ce jardin de 2300 m² situé en contrebas d’une l’église, dans le village, est construit en terrasse surplombant la rivière Yonne. La proximité du cours d’eau, véritable corridor écologique, et des prairies permanentes où paissent des vaches charolaises contribuent forcément à sa richesse. Le terrain est ceint de grands murs de pierres calcaires et présente une zone boisée de pins et de bouleaux, une zone de verger. Des lilas et noisetiers bordent le terrain occupé par une pelouse naturelle. Des broussailles sont conservées par endroit tant pour servir d’abri aux auxiliaires que par nécessité. La gestion consiste à tondre, élaguer ponctuellement, éviter l’envahissement par les ronces et le lierre (sans toutefois tout supprimer), désherber manuellement les massifs de vivaces ornementales, les aromatiques, les rosiers et ne jamais arroser. En même temps l’installation d’un solide poste de nourrissage non loin d’une fenêtre facilite l’observation des animaux.

Les oiseaux les mieux représentés sont les passereaux. Les quatre espèces de mésanges (mésange bleue, charbonnière, nonnette, à longue queue), rouges gorges, rouges queues à front blanc, pinsons, verdiers, sitelle torchepot, bouvreuils, troglodytes, chardonnerets. La plupart est nicheuse et sédentaire mais certains sont de passage. C’est le cas des gros becs casse noyau qui occupent la mangeoire quelques heures puis disparaissent comme ils étaient venus. En général ils arrivent au moment des fleurs de pruneliers dans lesquels ils s’abritent. L’image de ces oiseaux très colorés dans un nuage de petites fleurs blanches marque l’arrivée du printemps.

mangeoire

mangeoire

Mésange bleue (aquarelle)

Mésange bleue (aquarelle)

Troglodyte mignon

Troglodyte mignon

Les vieux murs truffés de cavités abritent une flopée d’espèces qui trouvent là le gîte idéal pour leur nichée, à l’image de cette famille de rouge gorge dont les petits attendent le nourrissage des parents parfaitement silencieux pour éviter de se signaler aux prédateurs.

Nichée de rouge gorge dans une cavité de vieux mur au prebytère

Nichée de rouge gorge dans une cavité de vieux mur au prebytère

Le comportement de certains passereaux dont les rouges gorges et les mésanges est assez curieux. Après avoir disposé des oiseaux en résine céramique sur des tuteurs, les sculptures se sont fait attaquées par leurs congénères qui défendaient leur territoire, et picorées jusqu’à ne plus ressembler à rien. A l’inverse les sculptures de troglodytes n'ont pas été agressées.

Parmi les oiseaux les plus familiers se trouvent les merles et les grives. Pour eux le verger est une aubaine. Il suffit de laisser quelques fruits au sol pour leur permettre de passer l’hiver dans de bonnes conditions et pour se régaler à les observer. Nous en avons surpris un dans les pommiers picorant des pommes rouges, se cachant derrière les branches l’air de dire ce n'est pas moi qui ait fait ça, je n’y suis pour rien…

Merle dans les pommiers

Merle dans les pommiers

Grive draine

Grive draine

Tempête de neige au verger

Tempête de neige au verger

Les corneilles noires, les pies et geais font parti des hôtes du jardin. En y regardant de plus près ils sont incroyablement colorés et leur plumage moiré change en fonction de la lumière. Malheureusement les Corvidées ont mauvaise presse et malgré leur intelligence sont considérés comme nuisibles . Dans ce sens l’art peut être un médium intéressant pour en changer la perception.

Corbeaux (aquarelle et terre cuite)

Corbeaux (aquarelle et terre cuite)

Pies sur une branche

Pies sur une branche

Les Picidées sont bien représentés au presbytère. Pic épeiche, pic épeichette, si petit et agile, pic mar et pic vert, occupent d’ordinaire la mangeoire. Ils y prélèvent des graines de tournesol puis les décortiquent en les coinçant dans l’écorce des troncs voisins. Ils chapardent les graines sous le nez des écureuils mécontents qui agitent leur queue pour les chasser.

Pic épeiche tambourinant

Pic épeiche tambourinant

Tout en haut de la chaîne alimentaire viennent les rapaces. Les chouettes hulottes occupent les grands pins tandis que les chouettes effraies nichent dans le clocher tout proche. Elles se distinguent par leurs chants. Très variés pour la hulotte que l’on entend souvent en plein jour lorsqu’elle est harcelée par des cohortes d’oiseaux plus petits mais plus chuintant pour la chouette effraie que l’on n’entend que la nuit. Les faucons crécerelles, les éperviers qui se faufillent entre les branches à la poursuite d’une proie et les buses variables qui tournoient au dessus du presbytère contribuent à l’équilibre écologique. Ces oiseaux technophiles cohabitent avec l’homme et le servent en débarrassant les environs des trop nombreux rongeurs qui sans eux pulluleraient.

Jeune chouette hulotte dans un enchevêtrement de branche de conifère

Jeune chouette hulotte dans un enchevêtrement de branche de conifère

Chouette effraie

Chouette effraie

Buse variable

Buse variable

Parmi les espèces moins communes et présentes épisodiquement la huppe fasciée et les guêpiers d’Europe ont fait de rares apparitions.

Dans la catégorie des mammifères, les écureuils roux nous gratifient de leur ballet incessant et de leurs sauts de branche en branche. Les poursuites et les guerres de territoire sont rapides et violentes. On peut considérer que les principaux occupants du jardins sont les écureuils tant ils sont nombreux. Ils trouvent ici le gîte et le couvert et il est agréable de retrouver les noisettes ouvertes par leur soin ainsi que les pommes de pin et de cèdre épluchées soigneusement.

Il nous est arrivé de voir un renard traverser le jardin et une année un jeune lièvre y avait élu domicile. La fouine de son côté fait des folies dans le grenier. Quant aux hérissons les tas de branches et de bûches les abritent durant l’hiver. Toutefois ils ne doivent pas être hyperactifs puisque dès qu'il pleut de magnifiques escargots de Bourgogne envahissent les lieux.

Écureuil roux (terre cuite)

Écureuil roux (terre cuite)

lièvre (aquarelle et terre cuite)

lièvre (aquarelle et terre cuite)

Famille de hérissons (terre cuite)

Famille de hérissons (terre cuite)

Les rongeurs, lérots, muscardins, campagnols sont assez discrets et timides mais ils sont toutefois présents.

Mulot sur une pomme (plâtre céramique)

Mulot sur une pomme (plâtre céramique)

Muscardin (terre cuite)

Muscardin (terre cuite)

Pour finir les couleuvres et les lézards profitent de la chaleur des murs de pierres séches en toute quiétude.

Quand aux batraciens, les crapauds se cachent dans les endroits frais et humides, le plus souvent dans les vielles caves voûtées de la bâtisse et les grenouilles nous accompagnent de leur chant le soir depuis l’Yonne toute proche.

crapaud (terre cuite)

crapaud (terre cuite)

Grenouille

Grenouille

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N
Les aquarelles sont magnifiques et tellement réalistes. Avec le texte j'ai appris plein de choses. Merci
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A
Une véritable arche de Noë! C'est merveilleux de pouvoir reproduire par l'art la diversité de la nature. C'est vrai que le dessin oblige à observer le moindre détail pour pouvoir le reproduire. L'oeil du photographe est parfois trop rapide pour le capter .
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C
Merci pour ce commentaire. L'idée est de montrer que la beauté peut se trouver dans la chose la plus insignifiante. Tout est une question de regard. C'est ce que le philosophe Alain Roger appelle "l'artialisation"